mardi 22 mai 2012

Il me manque cruellement une journée entre nanas
L'eau Edena de chez moi me manque pour un thé. Au moins ça. Voir un bon café, pour faire de l'eau de café, avec du sirop de fleurs, une préférence pour la violette perso, mais avec une boule de glace ça serait sympa. Au thé vert et pamplemousse. Ou alors une gelée. J'ai envie de faire une tarte aux fraises, avec de la crème mascarpone/pistache. Je pense au coco ananas fruit de la passion aussi, une crème au coco, avec de l'ananas cuit dans un sirop de fruit de la passion. Avec une touche de gingembre. Idéalement, on se baignerait à Langevin, ou alors à Grand Bassin, ou à Bassin Bleu. Avec un bon romazava. Un feu de bois dans les hauts ça vaut tout l'or du monde. Il faudrait tresser un peu. Par respect pour les ancêtres. Leur offrir un bon carry et un bol de riz au moins.
On ferait du savon. Avec du miel et des fleurs, du beurre de coco et de mangue. Du gingembre et du jasmin.
Des bonbons piment avec de la coriandre.
Des frites de fruit à pain.
Et du jacques... frais, macérés dans un peu de rhum et de miel.
Des jacarandas...
Trouver comment obtenir l'odeur du sugi... trouver l'homme pour le parfum. Légèrement épicé. Pour l'osmose avec la fleur de vanille et les baies roses. Le miel de longani.
Du cédre du liban. Du jasmin de nuit. Du mimosa.

Des hibiscus dans les cheveux.
Un confit de fleurs d'hibiscus. Marre. Je veux prendre le thé tranquille sans eux.
Le temps de tresser des gousses de vanille, pour un rhum arrangé. Avec des goyaviers. Du bois bandé. Des fruits de la passion. De l'ananas. Du konjac. Le vetiver en soupçon dans les narines, de loin... Des bibasses. Des bananes mignones. Du songe. Mais je n'ai pas faim.
Il est éteint mon sourire. Mon frangipanier ne donne plus de fleurs. Mes papayes colombo ne mûrissent plus.
Je m'accroche à mon tamarinier.
Je veux les mains pleine de jamalak et de jamerose.
A m'en éclater le bide.
Et même pas vrai en plus, parce que je sers trop fort mes arbres dans les bras. Trop précieux. Trop beau l'arbre chargé.
Il me manque le sorbet pamplemousse rosé de mon enfance, mais Loïc n'est plus là pour me donner à manger. Je cherche l'accord pour la tarte au citron, pour lui. Avec du thé vert, du sirop de jasmin et du miel de letchi. Il nous faut de la confiture de tomates arbustes, et un sachet de vanille; pour l'instant, ça va être un thé vert à la bergamote, avec un peu de violette et de coquelicot. Mais je pense fort au miel, et mes lèvres ont bien besoin d'un soin. Reste que... j'aime autant qu'elles soient séches.
Je regarde les bonbons au tamarin et les pâtes de goyavier, et je ne pense qu'au sorbet tamarin, au sorbet goyavier de maman. A la fraîcheur de la plaine des cafres et de dos d'âne. La roche écrite...
Mes pieds dans l'eau glacée de la rivière des galets.
La douche sous la cascade.
Mafate...
J'ai besoin de croiser l'odeur des jujubes et du mimosa. Pour approcher les roses. Je fuis les roses. Je préfère les orchidées, et avant, les fougères.
J'ai besoin de me masser à l'huile de coco de chez moi des pieds à la tête, sinon je meures.
Je pense au gingembre mangue. Le parfum.
Pour mon savon aussi. Avec du sucre roux de mes cannes. Une touche de frangipanier, du jasmin de nuit. A peine de vanille et du miel de baies  roses.

Ensuite l'harmonie, avec les fruits.
 Je voudrais retrouver le parfum de miel des jameroses dans une créme hydratante. Avec un beurre de mangue. De la papaye. Et de la prune. Mes prunes de la plaine des cafres.
La mangue verte. L'odeur de la mangue verte. Pour un accord entre les deux...
J'ai la noix à tatons. J'aime le suave du coco. Mais la pistache... ou la noix de cajou...
Une touche d'anis étoilé.
Ca mérite au moins un thé vert et un yokan.
Mon coeur bat trop fort quand je pense le loup dans ma forêt, les pieds dans l'eau, entouré d'arums.
J'ai le vertige, je suis fragile.
D'ailleurs, c'est Vertige.
Un riz blanc au jasmin, le plaisir quand la cuisson embaume la maison. Un curry thaï, curry vert. Le plaisir de préparer la pâte. Avec du jacques, des brèdes chouchou et des brèdes citrouille. Dans du lait de coco. Je mange toujours un civet de zourite quand je rentre. Mais c'est plutôt ça pour reprendre racines. Avec une infusion de gingembre mangue et de citronelle. Des jamalaks frais et des goyaviers. Et une goyave blanche de Thaïlande. Une compote de bananes mignones à l'anis étoilé. Céléri/Citron galet/Coriandre/Thé vert.. De l'eau de tamarin. De l'eau de café avec de l'hibiscus. Et peut être que je mettrai la main à la pâte, dans la farine de riz gluant. Avec du songe. De l'écorce de pamplemousse confite. Une bonne mangue carotte verte, avec du piment vert, du piment oiseau de mamie. Le songe coupé en petits cubes, mêlés à la pâte. Avec de la confiture de myrtille. Non. Myrtille et goyavier. Sans couvert, dans une feuille de bananier. Sans chaise. Le cul posé sur ma terre noire, les pieds dans l'eau glacé. Des crépes vietnamiennes, avec des brèdes et du songe. Il me manque le massalé. Mais je préfére regarder le troupeau pétre et nager avec les poissons. Je ferais bien des samoussas, mais le feu brûle trop fort.
Pour l'harmonie compléte, il faut le vent dans les filaos. L'écorce ou la graine. Mais j'aime me cacher dans le sein de mon île. Sinon le feu brûle. Sinon la terre crache.
Lesbambous. La pluie. Le roulér.
Je dois marcher sur les galets.
Je dois m'enfuir dans la forêt. Je dois cercler les flammes dans l'écorce. Remonter à la cime. J'ai les aîles des oiseaux de mon île. Et je la quitte et vais ailleurs avec mon aigle, jusqu'en haut de l'Afrique. Et je sautes parmi les Masaïs. Je touche enfin le sol avec les Masaïs. Parce que le flamant rose... Depuis l'Etang Saint Paul. C'est là que je danse.
C'est là que mon loup se cache. C'est là que ma panthére noire se cache et que mon jaguar se met en colére.
Et mon lynx gronde.
Et mon tigre grogne sur la plage de Petit Boucan.
Et il me faudrait de la poudre de cacao de l'Ilet à Guillaume. Du coco d'Indonésie. Pour que ma peau retrouve l'harmonie avec le dehors. Avec du miel de longanie de Thaïlande. Et du café d'Afrique mélangé avec un café du Perou.
Du Nicaragua. Du Guatemala. Et du Mexique.
Pour retrouver le Brésil.
Panjali.
Ou mon corps se consume dans le volcan.
Un gateau ti son. Du maïs, du fruit à pain et du goyavier. Non. De la pâte avec de la farine de maïs et de riz gluant. Des galettes. Rouler. Et là je reprends source dans l'autre forêt.
Mais je reste humble et j'avance sereine et fragile. Le romazava au ventre.
Veloum aux lèvres.
 Et j'ai marché dans le désert. Ca n'a jamais été que le scories rouges sous mes pieds. Mes pieds ensevelis dans les torsions de laves. Des voiles et des voiles et des voiles... Et j'aurai voulu rester m'endormir dans l'eau du ventre de mon île, ne plus jamais la quitter. Loin des flammes. Loin des corps brûlants. Le coeur aride, la gorge séche. Les bras de cendre.
La vierge sauvage arrachée à sa forêt.
La sauvageonne retirée des lames asserées de son océan.
Celle qui avait le voeu pieux pour sceller les lèvres.
Mais il fallait se battre en heurtant le sol, de toutes mes forces. En portant la colère de la mère, grondante, mugissante.
Je savais l'offrande du corps jeté au monde.
Je suis la vierge noire aux pieds nus, endiablée. Z'enfant Bon Dié.
Depuis le corps de l'Eternel, jamais seule.
Et l'homme depuis Lui. Le choix de la tête inclinée et du regard qui fuit.
Mais les anges se sont soulevés en moi.
J'ai levé la tête, tout mon corps a tremblé. Et j'ai cherché les anges dans l'homme.
J'ai remercié pour ma peine.
Son amour est trop beau pour que je me mettes en colère.
Mais il m'a appris, la colère, la sainte colère. Ma bouche écumante. Mes ongles acérés.
Saint François d'Assise. Sainte Hildegarde. Sainte Brigitte. Pour ceindre ma taille.
Il aime la prostituée en moi, celle qui obéit à l'homme, qui s'incline devant son regard.
Mais il sait aussi combien j'aime, ma tête au sol, mon corps de terre, profondément prosternée devant les grands hommes de la terre.
Ma peur de danser sans les voiles.
Mon désir puissant de délivrer mon corps des voiles. La nudité pâle sur le sol noir.
La grâce. Le don de la grâce. Il sait combien j'ai supporté l'Injure; et combien ma souffrance était douce, combien je le remercies pour ça. Mais la sainte colère qui gronde en moi...
J'ai voulu être la mère, et l'enfant en son sein.
Il a voulu me détourner de l'homme, et me reprendre dans son sein. Il m'a offerte à l'homme pour mieux me tenir contre son sein.
J'ai voulu qu'Il me fasse intouchable. Mais que l'on voit sa place, toute sa place en moi.
Je lui ai demandé, la place de la femme.
Je lui ai demandé les armes, quand l'homme ne savait que produire des larmes. J'ai remercié pour les larmes.
Je lui ai demandé pourquoi moi, pourquoi tout son amour pour moi. Pourquoi le monde aveugle. Pourquoi mon droit à l'exigence et ma fragilité, ma pudeur de me satisfaire, quoi qu'il advienne.
J'ai plus peur de moi que de Lui.
Peur d'être à la hauteur; plus proche de lui, tellement loin des autres. Des autres loin de lui, les yeux clos.
J'ai voulu être plus prêt des autres. Pas pour méloigner de lui... mais pour son amour terrifiant. Apprendre la juste place de tout, et la perfection de Son corps immense.
J'ai su où tourner mon regard. J'ai voulu me diminuer face aux grands hommes de ce monde.
Savoir l'homme avant la femme.
Et les hommes m'ont si mal aimés, mais pas les grands ce ce monde.
Et les hommes m'ont fait violence, ils m'ont saccagée, ils m'ont pillée, ils m'ont détruite.
Je Lui ai demandé pourquoi je ne pouvais pas respecter mon père, puisque mon père n'était pas respectable. Mais j'ai baissé les yeux quand même, j'ai obéi.
Je Lui ai dit que je ne voulais pas de pierres, ni de parures.
Mais que j'aimais ce que la terre donne, le trésor des rivières. Que j'aime les étoffes, la nature célébrée, tissée, tressée, la patience lente de la broderie, le gestet infini.
Les couleurs et les symboles.
Je Lui ai dit que je l'aimais avant le temple, et avant le temple la pierre. Mais que les différences, les codes, les langages, bien que source de guerre, que tout cela était beau.
Je Lui ai dit que la pierre était froide. Que l'arbre était sec, que mon coeur était meurtri de blessures infinis lorsque l'arbre ne se tenait pas verdoyant dans son dos.  Que je ne pouvais plus respirer.
Je Lui ai dit que je ne voulais pas provoquer son désir, mais que sans ça, comment connaître ma nature de femme.
Je savoure trop la croissance lente des branches, l'éclosion étirée des fleurs, et leur parfum ennivrant. J'aime trop les branches qui plient, chargés de fruits.
J'aime trop savoir ma nature complète avec l'homme. L'ivresse infinie.
Combien amère mon chemin avec les hommes. Combien amère.
Je n'ai jamais cessé de respirer lentement au pied des arbres.
Ceux que je ne touche pas, ceux dont les fleurs et les fruits restent sur l'arbre.
L'arbre devant lequel mon corps s'éteind, à vouloi se confondre dans la poussière du sol.
Et j'ai souffert pour lui.
Et j'ai appris à me respecter par eux, loin de l'amertume. Me respecter par eux en moi. Ceux qui réparent, qui étanchent ma soif, qui me permettent de respirer encore.
J'aime par dessus tout la beauté du silence, de ce Silence.
Mais je Lui ai dit, j'aime les mots, les traces, les signes, j'aime les mots, ceux que les hommes peuvent en dire, en faire. Ce que la pierre parle.
Mais je n'aime tant rien que le Silence. L'infini repos. Et toute sa place dans mon corps.
C'est comme ça que j'ai su ce mon corps avait à dire.
C'est comme ça que j'ai appris le silence de mon corps.
Et j'ai écouté, et j'ai étudié, pour savoir la perfection du geste, et l'offrande.
Pour savoir l'abandon de mon corps, la dissolution. Ce que mon corps a à offrir. Ce qu'il peut délivrer.
J'ai cherché la perfection de l'homme. La beauté de son corps, par son corps.
Combien amère sur mon chemin.
J'ai su qu'il fallait que je danse avant que de marcher.

Pour appeler le juste corps. Pour respirer sereine. Pour Le célébrer. Pour apaiser l'homme. L'homme que mon corps appelle. Ma nature de femme.
La moitié de femme que je suis sur mon chemin amer.
Mon corps que j'ai voulu et que je voudrai soustraire à son regard. Pour ne pas le souiller.
Ma colère d'être une femme, et la savourer.
Et la prétention de pouvoir dire, mais toi, l'homme, que serais tu sans moi la femme?
Le respect du ventre. La colère du ventre.
Combien Il m'aime.
Combien ma colère est grande.
Au point de supporter encore la douleur. Au point d'avoir mal en respirant à l'ombre de l'arbre.
Et tout est douceur, et tout est amer.
Et je n'ai plus eu peur de demander aux grands hommes de me protéger des autres. Ceux qui ont fait mon chemin amer.
Je leur ai demandé, si j'avais le droit d'être en colère; ils m'ont dit tu as le droit d'être en colère. Et j'ai pensé, que je n'aimais pas être en colère. Que je ne voulais pas qu'ils le soient pour moi. Puis j'ai compris... qu'il le fallait aussi, que c'était juste.
Et je leur ai dit que je préferes mille fois le silence, et l'energie parfaite, le ventre calme, l'océan et les gouttes, l'harmonie du silence, que les hommes qui marchent.
Mais la femme que je suis à le ventre grondant, la douleur, et les seins lourds.
A en détester les hommes, les autres, face aux grands de ce monde.
Ils sont si peu à la hauteur. Si peu respectueux. Si faibles.
Et les femmes... les perverses, les langues de vipère, celles prêtent à tout pour s'attirer l'attention des hommes, sans aucun respect d'elles même, ni d'eux.
Et je m'éloigne de tout ça. Je reprends ma source dans l'eau de mon île, dans le ventre de ma mère de lave. Je mange peu, ses fruits me manquent, ses fruits et son eau manquent à tout mon corps. Je souffre, mais elle me nourrit, à distance. Et je repousse tout ce qui n'a pas le droit de prendre place dans le temple de mon corps.
J'ai le front contre le sol, j'ai les mains contre le coeur, les yeux découverts. Des voiles et des voiles de lave qui protége ma nudité.
Je suis celle qui danse pour le respect du temple.
Au diable les autres.

Et comme toujours, je me dis que je suis bien trop généreuse...

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